Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos honorables invités, les responsables des institutions éducatives des pays africains, Mesdames et Messieurs, les ministres, les ambassadeurs, les présidents responsables des institutions nationales et internationales, chers membres du Conseil, chère assistance et chers invités,
C’est un grand plaisir et un honneur de pouvoir m’associer à vous tous, chers invités, pour débattre à la fois de la dynamique de transformation de nos systèmes éducatifs et envisager ce que nous pouvons entreprendre ensemble dans le cadre d’un travail de collaboration au profit de la transformation de l’éducation dans nos pays africains.
Le titre de notre rencontre reflète une préoccupation qui nous concerne tous : l’éducation et son rôle, non seulement dans le développement, mais aussi dans la dynamique de transformation de nos sociétés, à une époque où l’histoire connaît une accélération sans précédent et où le monde subit de profondes mutations. Nous avons affaire à un monde incertain. L’éducation est un bien précieux dont nous disposons pour construire l’avenir et maîtriser les incertitudes. Nous sommes convaincus que l’Afrique porte en elle une grande promesse : celle de se positionner comme un continent maître de son destin et de son propre projet de développement, dans lequel l’éducation de sa jeunesse occupe une place primordiale.
L’investissement dans l’éducation de qualité en Afrique est un moteur essentiel du développement, un gage de transformation et de prospérité pour l’avenir. Des progrès significatifs ont été réalisés en matière de scolarisation, mais des défis notoires demeurent et doivent être surmontés. L’éducation en Afrique a certes fait des progrès, mais des défis demeurent. Selon les études, 25 % des jeunes ne sont ni en éducation, ni en emploi, ni en formation en Afrique. La nécessité d’investir dans la jeunesse est la clé de la réussite de nos pays. La décision de Sa Majesté, prise il y a trois semaines, d’allouer un budget conséquent en 2026 à l’éducation des jeunes et à la santé témoigne de Sa volonté de faire des jeunes du Maroc une promesse pour le présent et l’avenir de notre pays.
Un rapport sur l’éducation en Afrique souligne qu’il faudra 17 millions d’enseignants supplémentaires pour atteindre l’accès universel à l’éducation primaire et secondaire d’ici 2030. La question de la formation des enseignants demeure également un défi. Des efforts sont déployés par chaque pays africain pour améliorer son système éducatif, mais ces efforts confrontent les disparités sociales et spatiales.
La particularité démographique de l’Afrique, associée au potentiel d’une jeunesse éduquée, permettra au continent, selon plusieurs études, de récolter « le dividende démographique », qui est limité dans le temps. L’Afrique ne pourrait le récolter que si l’éducation s’accompagnait d’une transformation vertueuse.
Plusieurs rapports soulignent un certain nombre de déficits affectant l’éducation, qu’il conviendrait de surmonter. Ils mettent en lumière des problématiques et des défis tels que : l’inclusion, les disparités sociales et spatiales, la connectivité numérique limitée, le climat scolaire, la formation des enseignants et le financement. Tous ces défis constituent des obstacles à la résilience de nombreux systèmes éducatifs en Afrique.
Ces défis interpellent et incitent les institutions à assumer leur responsabilité dans la transformation de l’éducation. Que ce soient les institutions chargées de mettre en œuvre les réformes, comme les départements ministériels, ou celles ayant pour mission d’élaborer des avis et d’évaluer les progrès, comme notre Conseil au Maroc et ceux d’autres pays africains.
La résilience d’un système éducatif dépend de la connaissance de ses points forts et de ses points faibles. Les défis des pays africains sont réels, et nous en sommes conscients. Nous les débattons pour leur trouver des solutions. Aucun de ces pays ne peut se permettre d’ignorer ou d’éluder ces défis. Aujourd’hui, tous les pays africains témoignent de la nécessité de prendre en main le destin de l’éducation et de la place qu’elle occupe dans le processus de transformation sociale.
Le rapport de l’UNESCO pour 2050 soulève des questions pertinentes auxquelles nous devons répondre. À l’horizon 2050, nous devons nous poser trois questions cruciales concernant les réformes de l’éducation :
- La première : Qu’est-ce que nous devons continuer à faire ?
- La deuxième : Qu’est-ce que nous devons abandonner dans ce que nous faisons ?
- La troisième : Qu’est-ce que nous devons inventer de créatif pour renouveler nos idées et guider les réformes ?
Ce qu’il convient de préserver, avec conviction, est le droit à l’éducation tout au long de la vie. Cependant, au milieu des turbulences géopolitiques et de la course vers l’innovation technologique, la question de l’inclusion, de l’équité et de la participation citoyenne demeure primordiale. Les informations erronées, les fake news, les crises économiques et politiques viennent ajouter des obstacles supplémentaires. L’éducation a toujours été, à travers l’histoire de l’humanité, un facteur de progrès. Aujourd’hui, plus que jamais, elle doit être réinventée pour être un facteur de transformation de nos sociétés. C’est l’éducation qui organise notre passage d’une époque à une autre. C’est l’éducation qui permet à l’Afrique de restaurer ce que l’écrivain Cheikh Anta Diop du Sénégal, appelle : « la conscience historique », et qui nous permet, comme je pourrais le dire, de tracer l’architecture de notre présent et notre avenir. Mais, il y a une part de notre héritage africain que l’on garde dans cette transformation de l’éducation.
Nous savons aujourd’hui que l’humanité est menacée dans sa survie par le dérèglement climatique, les conflits, la pauvreté et les guerres numériques, qui génèrent des phénomènes disruptifs auxquels les sociétés doivent faire face. A ceci s’ajoute l’intelligence artificielle qui secoue l’éducation, la formation et la recherche scientifique.
Depuis une vingtaine d’années, le Maroc accompagne son système éducatif par des réformes successives visant à lever les obstacles pour asseoir une éducation équitable et de qualité, au profit d’une société éduquée. Le processus est bien engagé, comme dans de nombreux pays africains, mais tant que persistent des défis majeurs, tels que l’abandon et l’échec scolaires, qui poussent parfois les jeunes à la marginalisation ou à l’émigration, des efforts doivent être déployés et renforcés. Il est nécessaire de répondre à l’appel lancé par le rapport de l’UNESCO en 2021, « Réimaginer notre futur ensemble… », en établissant un nouveau contrat social pour l’éducation.
Il est évident que chaque pays doit interpréter cet appel en tenant compte de ses contraintes et des opportunités qui s’offrent à lui pour transformer son système éducatif. Mais l’alignement de la transformation de l’éducation avec le contrat social est une nécessité. Ce contrat n’est pas une simple transaction. C’est « un accord implicite entre les membres d’une société, visant un bénéfice commun ». Il constitue un projet qui guide à la fois l’éducation et le développement du pays. Il n’est pas anodin que, déjà au XVIIIe siècle, en France, Jean-Jacques Rousseau ait produit deux ouvrages complémentaires, Le Contrat social et L’Emile, ou l’éducation (le premier sur le contrat social et le second sur l’éducation). Il n’y a pas de véritable contrat social sans une éducation de qualité qui le renforce.
Pour l’Afrique, le diagnostic de l’éducation ainsi que les solutions sont bien identifiés par plusieurs rapports nationaux et internationaux. Ils touchent : l’accès à l’éducation, la rétention, l’infrastructure, les curricula, la formation professionnelle, la formation tout au long de la vie, la gouvernance des systèmes éducatifs (SE) et de la formation (SF), ainsi que les politiques publiques. Comment identifier l’aspect catalyseur qui, une fois réformé, entraîne des effets multiplicateurs et vertueux sur le système éducatif ?
Nous sommes tous conscients que les réformes éducatives rencontrent parfois des lenteurs dans leur mise en œuvre, dues à des facteurs multiples. Pour transformer l’éducation, il est crucial de persévérer et, parfois, même réinventer la manière dont les réformes sont menées. La transformation en profondeur ne relève pas uniquement du discours, mais implique une évolution dans le travail des acteurs éducatifs et le fonctionnement de leurs institutions.
L’éducation est un bien public précieux, qui doit être réinventé pour répondre aux défis multiples auxquels nos pays africains font face. Cette réinvention ne serait pas possible sans les maîtres d’œuvre que sont les enseignants, et sans leur engagement autour d’un nouveau contrat social pour l’école. Aucun progrès ne pourrait se réaliser sans la participation active de tous les acteurs, ces faiseurs de changement, animés par la valeur de l’engagement.
L’éducation conditionne la qualité de vie des Africains. Elle détermine leur statut social ainsi que leur capacité à agir sur leur propre destin et celui de leur société. L’éducation est une «capabilité », comme la définit Amartya Sen. Nous sommes convaincus qu’il est impossible d’imaginer la grande transformation qu’implique le tournant géopolitique actuel sans que l’éducation en soit le vecteur.
Nous témoignons que le monde est en pleine reconfiguration géopolitique et engagé dans un processus qui transforme notre avenir. Pour affronter ce changement et en être les acteurs, il est essentiel de disposer de systèmes éducatifs performants.
Sur le plan organisationnel, nos institutions africaines, bien que structurées différemment, poursuivent un objectif commun. Les institutions présentes à cette rencontre regroupent celles dont les missions et les responsabilités influent, de diverses manières, sur les politiques publiques et privées de l’éducation et de la formation. Nous espérons, à travers ces deux journées d’échanges, mieux nous connaître et engager une réflexion commune, dans un cadre de coopération et de collaboration, afin de participer activement à la transformation de l’éducation sur notre continent : l’Afrique.
Encore une fois, je souhaite la bienvenue à Rabat à tous nos amis africains, à tous les participants ainsi qu’à nos partenaires. J’espère que nous aurons des échanges fructueux, au profit de nos systèmes éducatifs et de nos enfants.
